Témoignage du Lieutenant Paul BLANC, Officier-adjoint de la 1ère Compagnie
Extrait de lettres écrites à son épouse
2 Mars 1947
Ma petite Chérie,
Un petit mot pour te tranquilliser. La compagnie était en réserve du Bataillon. L’opération est terminée et comme on n’a pas fait « donner la Garde », je suis resté et suis actuellement au cantonnement, sain et sauf.
(…)
Le vaguemestre va partir et je veux lui donner cette lettre. D’ailleurs, je serai obligé de raccourcir mes lettres car elles ne doivent pas dépasser 10 grammes pour partir en avion d’Indochine. Quant aux colis, ils ne doivent pas excéder 100gammes dans les deux sens. Envoie moi donc un peu de dentifrice pour voir ce que cela donne…(…)
Je t’adore
Ton Paulo
5 Mars 1947
Ma petite Chérie,
Eh bien tu vois, la Garde a donné, le soir du jour même, où je te disais que ma <compagnie était décommandée, nous filions rejoindre le régiment.
Sain et sauf comme toujours, et pourtant, les gars de chez nous (du Régiment) commencent à tomber. A la Compagnie, quoiqu’en avant-garde pendant une journée, et en poste avancé pendant la nuit, nous n’avons rien eu. Les Viet-Minh (VM) ont peur et filent, mais cette fois nous étions allégés et on en a descendu pas mal.
C’et justement ce qui est grave dans cette guerre, la plupart des VM sont des gens enrôlés de force qui s’aperçoivent qu’Ho Chi Minh les mène à la ruine et à la famine. De plus on leur avait dit qu’Ho Chi Minh était un grand chef et ils s’aperçoivent que c’est un individu qui passe son temps à fuir devant les Français. Il les tenait par le terrain, mais maintenant, leur crainte diminue. Alors, ils se rendent en masse, on leur demande : Viet-Minh ? Ho Chi Minh ? et ils répondent négativement en disant « Non, non, Vietnam … » Ils veulent dire par là qu’ils ne sont que de pauvres Indochinois, mais qu’ils n’appartiennent nullement au parti VM. Où bien alors, ils planquent leurs armes et ils se sauvent et on les descend tous à loisir. Certains enragés (ils sont rares) se laissent dépasser et te tirent dans le dos…Rendus confiants, on devient imprudent. Parmi ces derniers, il y a des japonais. On en a attrapé pas mal cette fois ci.
Ho Chi Minh est véritablement un dictateur, entouré d’évolués ambitieux essayant d’amener à lui les gens par la propagande ou par la force, sans pitié : ses administrateurs sont d’une cruauté révoltante. Notre cantonnement est truffé de charniers, on découvre de tout : des <français, des Chinois, des annamites suspectés de francophilie et ils ont les poignets coupés, les pieds coupés et ils ont encore autour du coup le fil électrique avec lequel ils ont été pendus. Quand je pense qu’en France, il y a des salauds de communistes qui sont pour eux, cela me révolte. Ils devraient venir faire un tour par ici. Quand ils se retrouveront un matin avec les c… dans la bouche, à ce moment-là, ils comprendront peut-être que les « pauvres Vietnamiens » ne sont pas nos égaux.
Le mal est que la masse indochinoise, quoiqu’intimement francophile parce que le Français lui a apporté l’aisance, est complétement terrorisée par le VM en l’absence des Français, et qu’ils sont incapables d’avoir un mouvement de révolte, ils sont trop passifs.
Si en France ils voulaient mobiliser une classe de jeunes seulement, les équiper et les envoyer simplement occuper le terrain derrière nous, en deux coups de cuillère à pot Légion Étrangère, parachutistes, infanterie coloniale et blindés, nous liquiderions la question indochinoise. Ce serait une question de jours et en fin de compte, la France ferait des économies d’argent et de vies humaines.
Mais sur nos axes, nous fonçons malgré toutes les coupures qu’ils peuvent faire, avançant de 50 km e 24 heures dans leur dispositif et cela dans tout un secteur, trouvant les PC VM avec encore leurs voitures de liaison, avec quelques émetteurs-récepteurs qu’ils n’ont pas eu le temps d’emporter dans leur fuite.
Mais malheureusement, nous sommes obligés de nous contracter à nouveau, de rétrécir la tache d’huile car les effectifs manquent pour tenir le terrain derrière. Les gens qui sont à notre tête en France et qui ne veulent pas comprendre cela ou qui ont intérêt par idéologie à grandir Ho Chi Minh en prolongeant la guerre, sont des criminels, traitres à leur Patrie. Mais ils s’en foutent, ceux qui se font descendre ici sont autant d’ennemis en moins pour eux.
(…)
Je te quitte pour ce soir ma petite Chérie ; je suis un peu patraque. En effet, les 5 officiers de la Compagnie avons eu un véritable empoisonnement ce midi, certainement à cause de l’huile de palme, et nous avons été malade comme des chiens jusqu’à maintenant
(..) Je t’adore
Ton Paulo
Halte dans un village début 1947 (Photo 1er RCP)